53. Faire tourner la mixture
Dans la rue : foule en liesse, musique tonitruante, feux d’artifice, chants paillards, bruits de bouteilles cassées.
Dans les maisons : rires, odeurs de viande et de vin, râles, cris d’orgasme.
Le premier Carnaval dans le Cylindre fut un instant de totale débauche. Partout, dans les rues de Paradis-Ville, dans les jardins, dans les forêts, dans les champs, dans les ateliers, dans l’amphithéâtre, dans les barques sur le lac, des couples s’enlaçaient, dansaient, faisaient l’amour à deux ou à plusieurs sans la moindre pudeur. En un instant tous les morts de ce qu’on appelait désormais la « révolution des réactionnaires » furent oubliés.
La rythmique retransmise par les haut-parleurs faisait vibrer les parois de la carlingue comme si le Cylindre n’était qu’une gigantesque boîte de nuit qui haletait. Adrien eut même l’idée de faire clignoter le soleil artificiel.
Il parvint à produire un effet global stroboscopique qui participa à l’excitation générale.
La fête ne dura pas vingt-quatre heures mais trois jours et trois nuits de libations, de stupre et de luxure. Chacun s’agitait jusqu’à ce que les muscles se tétanisent, les cœurs s’épuisent, le sommeil gagne.
Puis, après ce gigantesque défoulement, il y eut une semaine de repos pour se remettre de cette fête orgiaque.
Plus tard, on compta que ce jour-là près d’un millier de naissances furent programmées et on décida d’appeler les bébés issus de ce jour « les Enfants du Carnaval ».